venerdì 20 febbraio 2009

BIOT, L'EXAMPLE DES METEORITES ET LES UFOLOGUES [Article de Pierre Lagrange]

On présente souvent l'affaire Biot comme exemple d'une situation où la science aurait reconnu la valeur des témoignages venus du public. Rappel: en 1803, le jeune académicien français Jean-Baptiste Biot démontre que les témoignages souvent rapportés par des paysans et concernant des “pierres tombées des nuages” sont exacts.
C'est faut: Biot n' a pas démontré que les témoins de “pierres tombées des nuages” avaient raison, mais que lui, Biot, avait raison. ll ne prend, dans les récits des gens, que ce qu'il peut transformer, traduire, en fait scientifique. Il explique que les phénomènes observés, loins de renvoyer à certaines explications (diable, prodiges etc), renvoient à une réalité physique nouvelle. Des cailloux, de taille diverse, circulent dans le système solaire et certains croisent parfois la terre et donnent les spectacles célestes jusque là réduits par les physiciens à des phénomènes atmosphériques liés au tonnerre et capables parfois de foudroyer des roches terrestres ou à des roches éjectées de volcans (on reconnaîtra aussi peu à peu qu’un autre phénomène connu sous le nom d’“étoile tombantes”, nos étoils filantes, sont une autre des manifestations de ce phénomène). Pour “inventer” les météorites, Biot sépare le "folklore" et "les faits" comme tout représentant du monde moderne.

Ce qu'il fait n'est pas supérieur parce que la méthode scientifique serait supérieure, car la méthode scientifique n'est pas fondamentalement, "intellectuellement", différente des autres
méthodes. Elle est différente par le type d'objet et par le type de déplacement qu'on donne à ces objets. Et sa supériorité vient de sa capacité à faire parler ces objets, et même à les rendre autonomes, à en faire des acteurs sociaux. Avant Biot, les météorites sont aux marges, maintenues dans une culture populaire (ce que je dis ici est un tout petit peu asymétrique), après lui, elles sont devenues un acteur social qui participe à la construction de la société scientifique dans laquelle on vit. La supériorité de Biot est une supériorité de fait, pas de principe. Il gagne sur ceux qui refusent les météorites et il gagne aussi sur le peuple qui n'est pas pris au sérieux et qui n'arrive pas à faire prendre au sérieux son "folklore". Et Biot gagne parce qu'il arrive à montrer aux astronomes et physiciens qu'ils se sont trompés: ils croyaient avoir affaire à un folklore, alors qu'en fait ces objets sont importants pour écrire la suite de l'histoire de l'astronomie. Biot gagne parce qu'il montre aux astronomes qu'ils ne peuvent pas continuer à faire progresser l'astronomie sans prendre en compte ces pierres qui tombent du ciel.
Il les oblige à faire un détour par le problème qui l'intéresse lui en leur promettant d'arriver plus vite à la solution de leurs problèmes en faisant ce détour. Et il gagne parce que la suite de l'astronomie est marquée par ce détour par les météorites qui vont permettre de récrire plus vite et mieux l'histoire du système solaire et faire progresser la discipline. C'est ça qui manque aux ufologues: être capables de montrer que la suite ne peut pas s'écrire sans eux. Pourtant à les entendre, le fait ovni est incontournable, l'idée d'être visités par des ET est le genre d'idée capable de tout bouleverser. Pourtant, alors qu'on devrait à les en croire s'attendre à une révolution renvoyant Pasteur et Galilée au niveau de notes de bas de page de l'histoire de l'humanité, rien ne s'est passé.
L'ufologie fait de belles promesses mais n'en tient aucune.

Pourquoi est-il impossible de faire avec les ET ce que Biot a fait avec les météorites et ce que d'autres scientifiques font avec d'autres faits tous les jours (Pasteur avec ses microbes etc)?

Ici, il y a une énigme.

Parce que les gens de Seti arrivent à s'intercaler dans le réseau scientifique et à faire accepter qu'on a besoin d'eux pour écrire la suite. Le programme Seti-radio s'est construit sur l'idée que si on prend en compte l'idée qu'il puisse y avoir des messages radio, on aide la radioastronomie à progresser. Certes il y a des adversaires à cette idée, mais malgré tout, Seti-radio se maintient et progresse. Les radiotélescopes sont construits, installés etc. On voit le réseau s'étendre. Et ce qui est étonnant par rapport à l'histoire des météorites, c'est que les chercheurs de Seti-radio progressent alors qu'ils n'ont aucun fait. Ils ont un réseau scientifique (les radiotélescopes, Seti@home etc) dans lequel aucun fait ne circule. C'est comme d'imaginer Pasteur construisant la pasteurisation sans microbes. C'est assez insolite. [en fait si on regarde dans le détail, on note que les pasteuriens ont parfois étendu leur réseau sans avoir de faits, mais ce serait trop long à développer ici]
Par contre, les ufologues ont des faits mais personne ne s'y intéresse et les ufologues ne parviennent pas à construire le moindre réseau pour faire circuler les "faits" qu'ils ont. Or, un fait ne devient un "fait scientifique" que s'il circule dans un réseau, que s'il devient un acteur social.

Pourtant le raisonnement de l'ufologie et de Seti est le même: dans les deux cas, la base du raisonnement, c'est le même principe de banalité.

La solution que je propose, c'est qu'en fait, il se passe en ufologie la même chose que dans le domaine Seti, non pas à propos des écoutes, mais à propos du paradoxe de Fermi. Avec le paradoxe de Fermi, on a une situation de type Seti qui produit le même genre d'échec que
l'ufologie. Parce qu'on ne peut pas faire circuler cet objet en science. On peut faire circuler une météorite, on peut, en théorie, faire circuler un message radio ET (Seti classique), mais on ne peut pas faire circuler une "présence ET proche" (paradoxe de Fermi).

Celui qui trouve comment faire circuler ce dernier type de fait, résout à la fois le paradoxe de Fermi et la question des ovnis. Et ce que je propose, pour faire avancer le problème, c'est dans un premier temps, d'admettre que le problème posé par le paradoxe de Fermi et le problème posé par l'hypothèse ovni, sont un seul et même problème, car il n'y a pas de raison de maintenir la différence entre culture savante et culture populaire, car ce que dit Aimé Michel (ufologie) et ce que disent les scientifiques de Seti qui discutent sur le principe de banalité, c'est la même chose.

Et, si je voulais aller plus loin, je pourrai remarquer qu'il y a un autre point qui rapproche l'ufologie et Seti-Fermi, c'est que dans les deux cas, il n'y a que des controverses sans fin et aucun fait stable. Quand on lit Contact de Carl Sagan et qu'on suit l'histoire des ovnis, on observe exactement le même genre de situation. Dans les deux cas, pas de fait mais une controverse sans fin pour s'entendre sur un fait.

Donc l'idée suivante, c'est que cette controverse qu'on ne peut pas résoudre par la production d'un fait (parce que je fais l'hypothèse que les outils scientifiques sont impuissants à traiter ce type de fait), on peut non pas la résoudre mais produire un indicateur de l'existence d'un problème en analysant le type de situation que cela produit. On nous dit que tout sépare l'ufologie (culture populaire) et Seti (science), or ce qu'on note c'est que dans les deux cas, il se passe la même chose. Dès qu'on traite de l'idée que des ET pourraient être proches, l'ufologie comme Seti s'embourbent dans des controverses sans fin. Jusqu'ici, tout le monde croyait que c'était un échec parce que la controverse empêchait justement d'avoir un fait capable d'y mettre fin. Ce que je suggère c'est de renoncer juste un instant à l'idée de régler la controverse, mais de noter que l'on trouve le même genre de situation (controverse) dans le cadre de Seti et dans celui de l'ufologie. Donc on s'est trompé en séparant les deux domaines par un grand partage. Et en les rapprochant, on peut faire l'hypothèse que c'est le même type de problème qui se pose au deux domaines et qui engendre dans les deux cas cette controverse impossible à calmer. Et peut-être est-ce là l'indice que l'on cherche.

Donc la solution que je propose, c'est que les gens de Seti et les ufologues se trompent en voulant résoudre la controverse chacun de leur côté alors qu'ils devraient (comme Aimé Michel) remarquer que c'est un seul et même problème et que c'est en mettant fin au Grand partage entre
ufologie et Seti qu'on pourra (peut-être) approcher la solution commune des deux problèmes.

[Immagine d'epoca della caduta del meteorite Hraschina (1751)]


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